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L’absence de majorité à l’Assemblée nationale ouvre une période d’instabilité inédite. Un gouvernement de droite soumis à la pression du RN poursuivra les attaques contre les salarié·es des villes et des villages. Les syndicats combatifs peuvent reprendre la main sur l’agenda. La question de l’unification du syndicalisme de lutte fait partie de l’équation, pour un rapport de force ­permettant enfin au mouvement social d’engranger des victoires.

Face à la menace d’une victoire du Rassemblement national lors des dernières élections l’UCL a pris ses responsabilités en appelant à voter « sans illusions ni scrupules » pour les candidats du Nouveau Front populaire. Nous n’allons donc pas reprocher aux structures syndicales d’avoir fait le même choix… même si certaines ont fait une apologie du programme du NFP sans aucune réserve.

En revanche nous tirons la sonnette d’alarme : il ne faut que les syndicats s’alignent derrière le NFP pour exiger un·e Premier ministre « de gauche » que les partis furent d’ailleurs bien en peine de promouvoir… Comme si nous avions oublié le triste bilan des gouvernements « de gauche » de 1981, 1997 et plus récemment celui d’Hollande ! Le syndicalisme a déjà payé très cher son soutien à des gouvernements « de gauche », qui a conduit les travailleurs et travailleuses à mettre dans le même sacs partis et syndicats… d’autant que dans les entreprises et les villes les militants portaient souvent les deux casquettes !

Laissons le NFP dans ses dissensions, unissons-nous dans la lutte

Quand le NFP prétend avoir gagné les élections, l’arc parlementaire, de Macron au RN, prouve le contraire. Et si Macron, en nommant un Premier ministre LR, fait un déni démocratique évident, nous disons que cela met la démocratie bourgeoise à nu : elle n’a rien de démocratique et, pour cette raison, il n’y a rien à en attendre de bon.

Face au spectacle des dissensions entre partis « de gauche », aux insultes qu’ils échangent médiatiquement au quotidien et au jeu des ambitions personnelles qui contribuent à diviser notre classe sociale, nous clamons que la lutte syndicale doit nous unir sérieusement face aux capitalistes et à leurs valets politiques pour inverser le rapport de forces, stopper l’offensive libérale. Stopper l’extension de la pauvreté, stopper la destruction des services publics. Stopper les politiques anti-immigrés qui ne servent qu’à diviser le camp des travailleurs et travailleuses.

C’est pourquoi nous affirmons plus que jamais la nécessité de renforcer nos structures syndicales en veillant à les rendre plus combatives, plus démocratiques, plus unitaires. Les discussions en cours entre la CGT et la FSU portent l’espoir de reconstruire progressivement une confédération unissant à nouveau les enseignant-es avec tous les autres salarié-es, du privé comme du public, comme aux plus beaux jours des premières bourses du travail.

Le camp des travailleurs et travailleuses ne gagne que quand il lutte dans l’unité la plus large. Le 1er octobre est un tour d’échauffement. Préparons l’affrontement.

 

L'#UnionCommunisteLibertaire relaie cet appel sur #Tours, retrouvez nous aussi lors de la journée internationale de #DefenseIVG le 28 septembre :

  • contre la #CultureDuViol
  • contre l'impunité
  • contre la #JusticePatriarcale -> #AutodefenseFeministe & #RevolutionLibertaire !
 

Face aux défis du réchauffement climatique, de l’effondrement de la biodiversité et de la raréfaction de l’eau, la forêt devient un enjeu politique majeur. Nous considérons la forêt comme un bien commun qui doit être protégé des errements capitalistes rêvant de profits à court terme. Le 5 octobre, la Creuse accueillera une grande manifestation nationale contre deux projets industriels emblématiques qui menacent les forêts du Limousin.

Chaque massif forestier a son histoire, ses espèces, ses filières artisanales et industrielles spécifiques. Chaque forêt joue un rôle écologique, économique et social. C’est pourquoi la forêt est, depuis longtemps, l’objet de combats politiques autour des droits de propriétés, d’usages et d’accessibilité.

La forêt possède de nombreuses vertus écologiques et le bois aussi, à condition de limiter les prélèvements au seuil du renouvellement naturel, de respecter l’écosystème en pratiquant une sylviculture douce à couvert continu : un « jardinage » qui permet à la forêt de se régénérer elle même en prélevant petit à petit les arbres arrivés à maturité.

Le bois est indispensable aux papiers et cartons appelés à remplacer le plastique. Il est nécessaire dans la construction et incontournable dans les bâtiments « zéro énergie » [1]. Il est précieux pour un ameublement durable et encore utile au chauffage individuel en zone rurale montagneuse. Pour ces seules fonctions la ressource forestière serait bien suffisante.

Mais le bois est victime de surconsommation dans le cadre de la mondialisation du commerce et des besoins du transport international en container  : caissettes, palettes, boites cartonnées à usage bien souvent unique. La plus grande menace, cachée sous de pseudos motifs « écolos » provient des demandes en bois énergie joliment qualifiée de biomasse  : un peu dans l’industrie mais surtout dans les chaufferies des grandes villes.

Sans compter les dernières folies qui projettent de faire voler des avions « verts » avec un « bio-carburant » tiré de la forêt landaise en même temps qu’un projet prévoit d’y couper des milliers d’hectares de pins pour installer des panneaux solaires… Bref l’industrie forestière rejoint les maux de l’agro-industrie.

L’humanité a toujours tiré profit de sa forêt proche pour ses besoins élémentaires  : se chauffer, se loger, fabriquer des objets de toute sorte. Mais depuis quelques années le processus s’est inversé : les bois traversent la planète globalisée pour y être valorisés selon les critères du marché. Ainsi nos chênes partent se faire découper en Chine pour nous revenir en parquets produits en Pologne. Pire encore ce sont les industriels qui dictent aux forestiers les essences, les caractéristiques et les volumes qu’il faut planter et couper. Avec un double défi  : la destruction des forêts de feuillus (chênes, hêtres, charmes…) et des haies d’une part  ; l’extension de champs ­d’arbres plantés (en majorité des pins Douglas) d’autre part.

L’État et l’industrie destructeurs des forêts

C’est sous Sarkozy que la première offensive majeure a été lancée combinant une destruction des missions centenaires de l’Office nationale des forêts (ONF), dont la préservation des forêts, et la coupe massive d’arbres de haute valeur, les très vieux chênes en particulier. Les personnels s’étaient alors courageusement mobilisés pour refuser cette politique et l’abattage des forêts domaniales (25% des forêts françaises) pour renflouer les caisses de l’État.

Une même logique s’installe en forêt privée : les grosses scieries automatisées ne savent plus traiter les fûts les plus gros ou bien juste « différents » et Ikea a tué les menuisiers. Alors les feuillus partent à l’export ou sont réduits en déchets pour les chaufferies. Avec le plan France – Relance, Macron a offert 200 millions aux propriétaires forestiers pour couper leurs forêts et replanter des champs de pins Douglas. Et les coupes rases, désastreuses pour l’environnement se multiplient suivies de plantations qui nécessitent engrais et pesticides avec, néanmoins, un taux d’échec de 50% !

Des pins Douglas qui pourraient produire de magnifiques fûts en cent voir deux cents ans mais qui sont coupés de plus en plus jeunes, entre trente et quarante ans pour alimenter les scieries de bois parfaitement standards.

Les autorités et les gros industriels se défendent avec deux arguments  : il faudrait abattre vite les arbres qui vont mourir du changement climatique et la surface globale de forêts resterait ­stable. Deux mensonges  ! La surface reste ­stable du fait de la déprise agricole en zone montagne mais la qualité des forêts se détériore et le volume de bois sur pieds recule. Quant au changement climatique (dont ils sont responsables) si les tests d’adaptabilité de nouvelles essences menés par l’ONF et les forestiers sont utiles, la forêt se débrouillerait aussi bien sans intervention humaine… Une lutte unitaire pour les forêts du Limousin

Face au désastre associations, collectifs et syndicats, CGT et FSU, se mobilisent depuis plusieurs années, gagnant une écoute de plus en plus large ­parmi les propriétaires privés qui font plus de 90% des proprios en Creuse. Un « réseau forêt limousine » rassemble plus de trente structures militantes. Deux projets industriels au nord et au sud du département inquiètent particulièrement pour les volumes de prédation annoncée  : À Guéret, 500 personnes se sont réunies pour une réunion publique contre l’implantation d’une usine à pellets de bois pour chaudière, Biosyl cet hiver. Au sud du département, à la frontière avec la Corrèze, 200 personnes se sont rassemblées ­contre l’extension d’une scierie, Farges-Piveteau, destinée à être la plus grosse de France.

Deux projets gavés de subventions publiques dont les besoins en bois impliquent des coupes sans précédent, la raréfaction de la ressource au détriment des particuliers et des petites scieries qui se maintiennent difficilement malgré le service rendu localement.

Le 5 octobre, la Creuse accueillera collectifs et associations pour un « Appel pour des forêts vivantes » ; une manifestation nationale aura lieu à Guéret contre ces deux projets et pour la défense des forêts, du Limousin comme d’ailleurs !

Jean-Yves (UCL Limousin)

Pour avoir plus d’informations, rendez-vous sur le site du Syndicat de la montagne limousine ou la page Facebook du collectif Plus jamais ça 23

[1] Bâtiment dont la production annuelle d’énergie renouvelable est approximativement équivalente à sa consommation et dont la consommation nette est, donc, nulle.___

 

Il est temps de zapper l’interminable feuilleton « Qui siégera à Matignon ». C’est dans la rue que notre avenir se décidera, avec un premier rendez-vous de mobilisation le 1er octobre 2024.

Macron, en cherchant à contourner le résultat d’un scrutin bâclé qu’il a lui même provoqué, franchit un pas supplémentaire vers l’autoritarisme. Une tendance toujours plus inquiétante dans un régime présidentiel parmi les plus « monarchiques » d’Europe, et où l’extrême droite est aux portes du pouvoir.

Pour maintenir la politique néolibérale et procapitaliste qui est la sienne, Macron prend tout son temps. Pendant que l’ensemble des partis politiques défilent à l’Élysée pour réclamer Matignon, les ministres d’un gouvernement démissionnaire poursuivent la casse des services publics et l’austérité au titre de la « gestion des affaires courantes ». Spectacle ubuesque d’un système politique et économique à bout de souffle, ce mépris de la volonté populaire sera-t-il celui de trop ? Cela dépendra grandement de la capacité du mouvement social à faire entendre sa voix.

Les élections sont passées, place à la lutte sociale

Constatant le déni présidentiel, certains partis du Nouveau Front populaire appellent à manifester le 7 septembre pour obtenir ce que Macron nomme une Première ministre issue du NFP. Mais quel sens cela a-t-il de manifester pour réclamer un gouvernement social-démocrate dépourvu de majorité parlementaire ? Si l’UCL a appelé à voter NFP en juillet pour faire barrage au RN, c’était bien « sans illusions ni scrupules ».

On n’en attendait rien de plus, comme on n’attendra rien du gouvernement technique que Macron va finir par désigner.

Le répit obtenu face à l’extrême droite, cette situation d’immobilisme institutionnel, il faut aujourd’hui les mettre à profit pour faire entendre nos revendications sociales, renforcer les outils de l’autonomie populaire, comités de quartier et syndicats de lutte en tête. Les révolutionnaires doivent faire leur possible pour que le mouvement social avance et grandisse en imposant une ligne antifasciste et antiraciste claire, quel que soit le Premier ministre qui atterrira à Matignon. C’est là le vrai rempart contre l’extrême droite, contre son arrivée au pouvoir, et contre sa politique si elle finit par s’en emparer.

Alors toutes et tous en grève et dans la rue le 1er octobre 2024, à l’appel de l’intersyndicale CGT-FSU-Solidaires, pour augmenter les salaires, abroger la réforme des retraites, redéployer les services publics sur tout le territoire. Ce sera une première étape déterminante pour mesurer la combativité de notre camp social dans l’année qui s’annonce. Nous travaillerons partout où c’est possible au succès de cette journée d’action.)

 

Du 24 au 26 mai dernier, les Soulèvements de la Terre (SdT) ont appelé, avec le soutien d’organisations politiques, syndicales et associatives, à se mobiliser contre le projet d’entrepôt Greendock qui porte atteinte à l’environnement local. Face à cette mobilisation, l’État déploie son arsenal policier pour protéger le modèle de production libéral. Il est urgent de construire une lutte écologiste suffisamment forte pour chambouler les projets capitalistes et destructeurs. Trois camarades de l’UCL sur place développent leur analyse de la mobilisation Stop Greendock.

Greendock est un projet d’entrepôt vendu par ses promoteurs immobiliers comme une merveille alliant développement économique et protection de la nature. Vraiment ? Ce projet s’incarnera dans des structures préfabriquées de 600 mètres de long pour 35 mètres de hauteur, le long des berges de la Seine. Une occasion de faire profiter à la faune et à la flore de la zone Natura 2000, située à quelques centaines de mètres du projet, des bienfaits du capitalisme à grand coup de bétonisation. Les personnes habitant la banlieue nord parisienne, déjà fortement urbanisée, pourront avoir la chance d’accéder à de nouveaux emplois précaires et à un air toujours plus pollué par les allers-retours des bateaux et des camions.

Peu emballé par ces belles promesses, un cadre unitaire très large s’est mobilisé contre le projet, depuis La France insoumise jusqu’au milieu militant plus autonome, en passant par les collectifs écologistes locaux, les associations et bien sûr des syndicats. Le week-end s’est d’abord ouvert sur une table ronde, avec des syndicalistes CGT de la logistique et du déchet, et de Sud Rail, mettant en avant les atteintes aux droits sociaux avec la création d’emplois précaires dans ces secteurs d’activité.

Des dispositifs déployés pour protéger le capitalisme

Le point fort du week-end a été la manifestation du samedi, qui a mêlé action directe et marche familiale. Une attention a été portée à la sécurité des manifestantes et manifestants grâce à un brief juridique et médical, et avec la mise en place d’une base arrière légale et d’un accueil en cas de besoin de soutien émotionnel. Autant de précautions nécessaires et salutaires au vu de la répression actuelle des mouvements écologistes.

En effet, comme à chaque manif-action coordonnée par les SdT, un dispositif policier important encadre la manif avec des lignes de CRS placées à l’avant et à l’arrière du cortège. Il s’agit là d’une illustration claire de ce que défend le gouvernement : pour lui, le mouvement écologiste est dangereux, si ce n’est terroriste. C’est ainsi qu’il justifie l’utilisation de mesures pourtant violentes et intimidantes mais considérées comme adéquates pour contrôler la mobilisation sociale soi-disant menaçante. Le maintien de l’ordre tel que défendu par l’État a pour but de protéger le modèle de production capitaliste et d’empêcher à tout prix que les tactiques de revendication dans les milieux écologistes ne se répandent.

Mais de quelle menace parle-t-on ? Il s’agit en réalité d’actions symboliques comme bloquer pendant deux heures une zone industrielle ou construire une bergerie sur un tracé d’autoroute ou sur des terres non artificialisées. Pourtant insuffisantes pour empêcher la mise en place effective d’un tel projet démesuré, ces actions peuvent exposer les militantes et militants au fichage et à la répression judiciaire. Cela nous amène à se demander si les objectifs de l’action étaient à la hauteur des risques personnels pris par les personnes venues manifester.

Construire collectivement la lutte écolo

Depuis plusieurs années déjà, les entrepôts logistiques se développent du fait notamment de la hausse du commerce en ligne, et bénéficient d’aides massives des pouvoirs publics. Les SdT n’ont certes aujourd’hui pas encore la force nécessaire pour être un contre-pouvoir suffisant pour faire plier l’État ou arrêter un tel chantier, mais le mouvement sensibilise, dérange les capitalistes et le gouvernement libéral, et arrive à mobiliser massivement. Les SdT mettent la pression sur ces projets néfastes à la fois socialement et écologiquement. Cette façon de faire est inspirante pour les mobilisations écologistes puisque pour nous, c’est en construisant des rassemblements communs avec les associations locales, les syndicats des secteurs concernés et les forces politiques que l’on défendra une vraie écologie populaire et sociale.

Marie et Pierre (UCL Caen), Bertrand (UCL Paris Nord Est)

 

Face à l’accélération de la montée de l’extrême droite provoquée par les législatives anticipées, une tribune a rassemblé les médias indépendants de toutes les tendances de la gauche, pour affirmer un « front commun » et rappeler que l’extrême droite est aussi l’ennemie de la liberté de la presse et de l’information.

Le 19 juin, Alternative libertaire était signataire d’une tribune, « Pour un front commun des médias contre l’extrême droite » [1]. Portée par le Fonds pour une presse libre, et cosignée par 90 médias, elle rappelait le danger mortel pour la presse que représente l’extrême droite : « Partout [où elle] gouverne, la liberté de la presse est violemment attaquée : interdiction de publication, destruction du secret des sources, multiplication des procédures baillons, censure, pressions et intimidations, assèchement des aides publiques à la presse. »

L’audiovisuel public, organe de propagande ?

Une fois au pouvoir, l’un des premiers objectifs de l’extrême droite est de le conserver. Cela passe entre autre par la destruction du pluralisme médiatique et de la liberté de la presse. On a pu le constater en Hongrie, où les oligarques proches du parti de Viktor Orbán contrôlent désormais plus de 80 % du paysage médiatique, et où l’audiovisuel public a été transformé en organe de propagande. L’affaire Pegasus a aussi montré que le gouvernement avait placé plusieurs journalistes et patrons de presse sous surveillance [2].

Un rapide examen du programme du RN permet de constater que la question des médias n’y est évoquée qu’en une phrase : « Privatiser l’audiovisuel public ». La chose a le mérite d’être claire : dans un contexte de concentration des médias français aux mains de quelques milliardaires, le RN souhaite appuyer sur l’accélérateur. Dans l’objectif inavoué de finir de pousser le paysage audiovisuel vers un discours conservateur et fasciste hégémonique.

Mais l’extrême droitisation de la télévision n’a pas attendu le RN : deux jours après la publication de la tribune évoquée plus tôt, nous apprenions la « mise en retrait » de cinq journalistes de France Télévisions, accusés d’avoir « enfreint la règle de neutralité politique », pour avoir signé ce texte au nom de la Société des journalistes (SDJ) de France 3. Placardisés jusqu’au 8 juillet, les signataires ne traiteront plus la campagne législative, la direction considérant qu’il « en va de l’image d’impartialité des rédactions de France Télévisions ».

La liberté de la presse en recul

Il faut dire que si le RN souhaite accélérer la mutation du PAF, les gouvernements précédents lui ont largement préparé le terrain, avec les réformes successives de l’audiovisuel public et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), devenu l’Arcom [3] en 2022. Si le gouvernement Hollande était revenu sur la loi du 5 mars 2009 qui donnait au président de la République le pouvoir de nommer les présidents de l’audiovisuel public, cette tâche revient désormais à l’Arcom, une instance dont le président est nommé… par le président de la République. L’autorité de régulation est également pilotée par un collège de huit membres en plus de son président, trois d’entre eux étant nommés par la présidence de l’Assemblée nationale : il s’agira là d’un enjeu important dans les semaines qui suivront les élections législatives du 7 juillet, le RN pouvant, via l’assemblée, acquérir du contrôle sur le « gendarme de l’audiovisuel », déjà bien peu énergique quand il s’agit de surveiller les dérives des médias Bollorisés.

Mais ce n’est pas tout : le gouvernement Macron a aussi fait reculer la liberté de la presse, en faisant primer le secret des affaires et en portant atteinte au secret des sources, multipliant les actions contre des journalistes d’investigation : coups de pression, mais aussi perquisition et garde à vue de la journaliste Ariane Lavrilleux, journaliste au média Disclose, qui avait déjà été la cible de la DGSI à de multiples reprises pour s’être intéressée de trop près à des dossiers classés secret défense [4]. Encore plus récemment, c’est une journaliste du média Blast enquêtant sur les ventes d’armes de la France à Israël qui a été placée 32 heures en garde à vue [5].

La bascule s’est aussi faite dans les discours de Macron, en particulier lors de l’affaire Benalla. N’appréciant pas que la presse s’intéresse de trop près à son protégé, le président dénonçait alors dans une déclaration « une presse qui ne cherche plus la vérité », marquant une bascule dans un discours de post-vérité [6] d’inspiration trumpiste, et dans une attaque directe des médias d’investigation. Cette communication basée sur le rejet pur et simple de faits pourtant observables et sourcés n’est pas sans rapport avec la montée des discours fascistes. Comment s’étonner de l’explosion du complotisme à partir de la pandémie de Covid-19 quand le président de la République lui-même semble développer un rapport si souple avec la réalité matérielle ?

La presse, outil de résistance

Aujourd’hui en 2024 ce discours anti-journalistes s’est généralisé, comme le note Reporters sans frontières dans son classement annuel de la liberté de la presse où la note de la France continue de baisser. Un contexte confortable pour les discours du RN, pouvant lancer des attaques floues contre « les journalistes » sur des plateaux télévisés de plus en plus acquis à leur agenda, sans se soucier du paradoxe de la scène.

Alliées aux discours racistes traditionnels de l’extrême droite, ces prises de positions débouchent sans surprise sur des faits ciblant des journalistes racisé·es. Dans l’entre-deux tours des législatives, les journalistes Karim Rissouli et Mohamed Bouhafsi de France Télévisions, ainsi que Nassira El Moaddem de Arrêt sur images, ont tous les trois reçu des lettres d’insultes et de menaces racistes directement à leurs domiciles, ou à ceux de leurs parents.

Alors que l’extrême droite prend une place de plus en plus dominante dans les institutions politiques du pays, nous devons plus que jamais renforcer la presse libre et indépendante, qu’il s’agisse de la presse d’investigation ou des médias et journaux révolutionnaires. La presse et la circulation de l’information et des idées qu’elle permet est et sera un outil de résistance majeur contre l’extrême droite.

N. Bartosek (UCL Alsace)

[1] « Pour un front commun des médias contre l’extrême droite », Rapports de force, 19 juin 2024. [2] « Pegasus : un député du parti au pouvoir en Hongrie reconnaît l’utilisation du logiciel espion », Le Monde, 4 novembre 2021. [3] Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. [4] « “Disclose” : la DGSI a entendu à cinq reprises des journalistes du média d’investigation depuis 2018 », Le Monde, 22 septembre 2023. [5] « Après sa garde-à-vue, la journaliste de Blast contre attaque en justice », Blast, 28 juin 2024. [6] « “La tromperie est enracinée dans la communication politique” », Mediapart, 9 avril 2019.

 

Les outils mis à disposition des élèves des lycées pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles sont souvent très faibles, sinon totalement inexistants. Comment organiser la lutte contre ces violences ? Mais aussi, quels sont les outils les plus pertinents pour le mouvement lycéen en général ? C’est ce que nous vous proposons de voir à travers l’exemple du combat mené par des élèves du lycée Bergès à Grenoble.

En septembre 2023, M. témoigne auprès de D. d’une agression sexuelle qu’il a subi de la part du professeur d’EPS. Tous deux sont élèves au lycée Bergès et militants de l’UCL Grenoble. Ils décident d’en faire le combat principal de la toute nouvelle commission lycéenne. S’ensuit une phase de récolte de témoignages sur plusieurs mois : six cas supplémentaires leur sont remontés. Dès septembre, des surveillant·es mettent au courant les CPE qui sont censées alerter à leur tour la direction. Pourtant, jusqu’en décembre, aucune forme de protection des lycéen·nes ne sera mise en œuvre. Plus tard, la direction dira ne pas avoir été informée des faits de VSS. Dans l’intervalle, les militant·es insistent et se heurtent à des murs.

La défaillance syndicale

En novembre, D. demande le soutien d’enseignantes de la CNT ou qui en sont proches. Elles avouent ne pas être étonnées des révélations sur cet enseignant mais refusent d’accompagner les élèves face à la direction. La voie syndicale est également verrouillée du côté de « Sud Lutte de classes » (scissionnaires de Sud Éducation en Isère qui utilisent toujours le nom Sud par imposture). La commission lycéenne a des contacts à la CGT Éduc’action par le biais de l’UCL mais ne trouve pas de moyen de la faire intervenir dans un lycée où elle n’est pas implantée. Du côté des élèves, c’est déçu·es de leur expérience au sein du Mouvement National Lycéen (« syndicat » plus ou moins proche de Solidaires) que les lycéen·nes communistes libertaires de Grenoble ont fondé la commission lycéenne en septembre 2023. En militant au MNL, ils et elles se sont heurté·es aux problèmes structurels du « syndicalisme » lycéen. Comment construire des sections syndicales fortes en trois ans, dans des lycées atomisés par la réforme du bac, dont l’un des objectifs est, à l’instar du management moderne, de briser les collectifs de classe ? Y a-t-il une « conscience de classe lycéenne » ?n De plus, les luttes lycéennes, et celle-ci le démontre, sont souvent trop éprouvantes pour de jeunes militant·es qui ne sont pas solidement accompagné·es par leur structure. L’UCL apporte la pratique de lutte concrète, le cadre politique et la camaraderie forte indispensables à ces luttes lycéennes qui manquaient au MNL.

La FCPE (Fédération des Conseils des Parents d’Élèves) sera la seule structure en mesure d’accompagner les élèves en lutte dans le bureau du proviseur et de son adjointe. Ce 7 décembre, les élèves posent un ultimatum : si rien n’est fait avant la rentrée de janvier, où débute un cycle piscine, ils rendront l’affaire publique. Dès la semaine suivante, l’enseignant est suspendu. Les militant·es continuent pourtant de subir diverses pressions de la part de la direction. M. est convoqué sous un faux motif et se voit accusé de propager des rumeurs sur l’agresseur. Lors d’un entretien avec les élèves en lutte, une CPE exprime la grande souffrance causée par l’impossibilité structurelle d’accueillir les victimes de VSS. Quant à la direction, elle alterne entre hostilité et fausse compassion impuissante. Par exemple, elle avoue aux militants que des lycéennes lui avaient déjà rapporté des comportements « bizarres » de cet enseignant. La direction a choisi d’en parler directement au professeur en question, sans suivi particulier, signe d’une méconnaissance profonde des violences patriarcales. Par la suite, elle transmettra que se passe-t-il au niveau de la justification les noms de ces lycéennes à la police sans leur avis. Moins surprenant, mais tout aussi violent, la police sollicitée automatiquement par le rectorat pour fournir un rapport d’enquête a mis la pression sur M. en lui demandant de pousser les autres victimes à déposer plainte. En revanche, les OPJ n’ont auditionné ni la direction, ni les CPE.

Rentrée de janvier : l’UCL en ordre de bataille

Bien que l’enseignant ait été suspendu depuis décembre, le lycée maintenait sa politique de l’opacité et rien ne garantissait qu’il ne reviendrait pas après l’enquête. La commission lycéenne a alors fait appel au reste de l’UCL Grenoble pour un tractage massif le 17 janvier. Le proviseur a eu beau sermonner longuement les élèves en lutte devant le portail, 700 tracts intitulés « Victoire pour les lycéen·nes mobilisé·es de Bergès  ! » ont été distribués. Nouveau faux pas, le proviseur a ensuite demandé à toutes et tous les enseignant·es de condamner le tract devant leurs classes au motif qu’il serait erroné, puisque l’agresseur n’était pas « mis à pied » mais « suspendu »... Un tract condamnable parce que nous aurions atténué la sanction par inadvertance ? Là encore, la direction a joué des pieds et des mains alors qu’elle perdait les pédales ! En amont de cette démonstration de force, l’UCL avait fourni un accompagnement juridique ainsi qu’un partage d’expérience sur le militantisme lycéen et étudiant. Surtout, elle a apporté un soutien moral vital.

La commission lycéenne tire plusieurs conclusions politiques de ces événements qui confirment des analyses préexistantes. D’abord, l’organisation politique doit un soutien au long cours aux militant·es en première ligne dans la lutte contre les VSS et organiser des actions visibles et massives. Dans les mêmes circonstances, un syndicat lycéen aurait été démuni dès l’abandon par les profs et les CPE. Par ailleurs, notre grille d’analyse libertaire permet de mettre en évidence le rôle des institutions de l’État comme l’Éducation Nationale et le lycée Bergès dans la silenciation des victimes et la stigmatisation des militant·es lycéen·nes. À ce jour, l’enseignant n’est pas revenu. Cette victoire a permis d’emmener bon nombre de lycéen·nes en manifestation le 8 mars pour les luttes féministes,, contre le «  choc des savoirs  » et en soutien au peuple palestinien. Construire un mouvement lycéen fort, c’est d’abord lutter dans nos lycées.

Le combat ne fait que commencer. Au moment même où nous écrivions cet article en terrasse d’un café, un élève d’un autre lycée est venu voir D. et M. pour leur parler d’un nouveau cas. Difficile de mieux illustrer les effets de la lutte : on se reconnaît, on se cause et on s’auto-organise. Même dans les lycées, on laisssera rien passer  ! Violences sexistes, riposte féministe !

Commission lycéenne de l’UCL Grenoble

 

Il est des sujets déjà bien documentés que l’on pourrait penser, à tort visiblement, que l’on en a fait le tour. Cet ouvrage de l’historien Pierre Salmon, tiré de son travail de thèse, est de ceux qui nous surprennent sur un sujet que l’on croyait pourtant abondement documenté : la lutte et la solidarité antifasciste durant la guerre d’Espagne.

L’auteur s’intéresse ici à la solidarité en acte de militant·es antifascistes qui ont mis sur pied des réseaux de passe d’armes vers l’Espagne en guerre, une « contrebande révolutionnaire », pour soutenir le combat antifasciste, ce qu’il nomme un « antifascisme de combat ».

Du fait de l’abandon de l’Espagne républicaine par le Front populaire qui pratique une « politique de non-intervention », même si les frontières ne furent pas hermétiquement fermée, les approvisionnements d’armes de l’Espagne républicaine et révolutionnaire proviennent essentiellement de l’URSS. Il y eut cependant des militants, anarchistes, trotskistes ou communistes, qui entrèrent en contrebande pour défendre « leur révolution ».

À côté des actions plus ou moins publiques de soutien à l’Espagne révolutionnaire et républicaine qui furent le fait dès 1936 du Secours rouge international (SRI), lié au Komintern, du Comité anarcho-syndicaliste pour la défense et la liberté du prolétariat espagnol (CASDLPE) et du Comité pour l’Espagne libre (CEL) et après les affrontements des journées de mai 1937 à Barcelone de la Solidarité internationale antifasciste SIA, s’organisent des réseaux plus informels de contrebande d’armes entre la France et l’Espagne.

Ce sont ces réseaux et ses acteurs, les femmes très peu présentes semblent avoir été invisibilisées nous dit l’auteur, qui sont au cœur de cet ouvrage : leur (dés)organisation, leurs déboires mais aussi les parcours des militants ayant pris part à cette solidarité en acte, souvent au péril de leur vie, moins visible et aussi moins valorisée que le volontariat armé.

À travers cet « engagement politique transnational en contexte clandestin » c’est une histoire de l’illégalise politique qui nous est ici proposée, à hauteur des parcours des hommes et des femmes qui se livrèrent à cette contrebande révolutionnaire.

David (UCL Savoies)

Pierre Salmon, Un antifascisme de combat : armer l’Espagne révolutionnaire – 1936-1939, Éditions du Détour, avril 2024, 256 pages, 21,90 euros.
 

Début juin à Strasbourg la communauté kurde a subie plusieurs attaques des Loups gris, un groupuscule d’extrême droite lié au pouvoir turc, qui menace et attaque régulièrement la diaspora kurde mais aussi les militants et militantes de gauche.

Le 1er juin 2024, des militants kurdes du groupe CDK-F tenant une veille régulière pour la libération d’Abdullah Öcalan devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg, ont été attaqués par le groupe ultranationaliste turc Loups gris. Cette attaque, la deuxième en une semaine, illustre les manœuvres mises en place par les groupes d’extrême droite pour semer la peur dans les communautés qu’ils visent. La diaspora kurde en Europe est plus que jamais menacée par le groupe armé turc, parfois avec la complicité passive des États. À la fin du mois de mars 2024 par exemple, durant les célébrations de Newroz (le nouvel an kurde) les Loups gris ont perpétré de nombreuses attaques envers les membres de la communauté kurde de Belgique

Les médias européens tendent à minimiser les enjeux politiques de ces agressions. Le journal les Dernières nouvelles d’Alsace présente ainsi l’attaque des Loups gris sur les militant·es kurdes comme une « rixe entre communautés » [1]. Ce traitement réducteur minimise la dimension politique de la situation et la dangerosité du groupe Loups gris.

Les Loups gris sont une organisation d’extrême droite turque ultra-nationaliste et turquo-islamique liée au Parti d’action nationaliste (MHP) et proche de l’AKP (le parti d’Erdogan). Ses membres ont été historiquement débauchés par différentes instances régaliennes, comme l’armée ou les services secrets turcs, pour réprimer des oppositions politiques ou des minorités en Turquie et dans le reste du monde. Déclaré illégal en France, la dimension mafieuse du groupe et son investissement dans des associations sportives et culturelles lui permettent de toujours être actif dans l’Hexagone, accomplissant des actions violentes et racistes à l’encontre des communautés kurde, alévie et arménienne mais aussi des militants et militantes de gauche.

En Europe les Loups gris entretiennent des liens avec la droite et l’extrême droite, notamment en rejoignant les partis européens afin de pousser les intérêts de l’impérialisme turc. En Alsace, c’est par exemple un lien entre l’ancien député LR Yves Hemedinger et Süzer Ömer qui est militant LR mais aussi du MHP2. Les Loups gris sont une organisation qu’il faut prendre au sérieux dans la menace qu’elle représente par ses idées d’extrême droite et par ses méthodes violentes. En 2022 l’extrême droite turque assassine les militant·es et réfugié·es kurdes Mîr Perwer, Abdulrahman Kizil et Emine Kara, reflétant la politique impérialiste et raciste que l’État turc mène sur son territoire et à travers la guerre contre le Rojava. La violence des Loups gris illustre les tactiques politiques d’un État d’extrême droite. Notre soutien aux communautés kurdes face à la violence de l’État turc ne doit pas être seulement humaniste, elle doit être antifasciste et internationaliste. C’est par une entraide internationale que nous pourrons collectivement faire face aux extrêmes droites, qu’elles soient européennes ou turques.

Charlotte et Abel (UCL Alsace)

[1] « Rixe entre communautés turque et kurde près de l’Orangerie », Dernières Nouvelles d’Alsace, 2 juin 2024 https://www.dna.fr/faits-divers-justice/2024/06/02/rixe-entre-communautes-turque-et-kurde-pres-de-l-orangerie

 

Les images des bombardements, de la famine et des destructions de Gaza montrent le niveau d’horreur atteint par Israël. Mais il est important de ne pas oublier les prisonnières et prisonniers palestiniens, à l’heure où les témoignages de tortures, de viols, de traitements inhumains et dégradants se multiplient, dressant le portrait d’un véritable système concentrationnaire.

La situation des prisonniers et prisonnières palestiniennes est peu connue et peu évoquée, y compris à gauche. Au mieux elle est évoquée au détour d’une phrase. Au pire, les organisations de solidarité avec la Palestine se voient carrément reprocher de parler de leur situation [1]. Pourtant, il est impératif de dénoncer l’arrestation arbitraire, les humiliations, la torture, les viols et leur aggravation depuis le 7 octobre.

Un système de détention arbitraire

Qui sont les prisonnières et prisonniers palestiniens ? Souvent des mineur·es, et la plupart du temps des personnes arrêtées pour un délit anodin, ou pas de délit du tout. Un adolescent parce qu’à un contrôle dans un checkpoint des soldats israéliens ont trouvé dans son téléphone des photos d’un autre checkpoint ; un homme blessé près d’un champ de bataille à Gaza et considéré, pour cette raison, comme un combattant  ; une femme arrêtée près d’un hôpital où Israël prétend que des combattantes et combattants se cachent...

La « détention administrative » permet de garder ces personnes en prison sans la moindre justification pendant six mois. Au bout de ce délai, une parodie de procès (sans aucun droit de la défense) permet de prolonger l’emprisonnement pour six nouveaux mois. Et ainsi de suite, parfois pendant des années.

En juillet, un rapport de l’ONU évaluait à 1 100 le nombre de personnes en détention administrative. En décembre, ce nombre montait à 1 310. En avril, à 3 600.

Une batterie de lois a été votée depuis décembre dernier pour créer un autre régime de détention, encore plus permissif. Le statut de « combattants illégaux », qui est celui des personnes kidnappées à Gaza.

Celui-ci donne une licence totale à l’armée pour enfermer des personnes sans charge ni mandat d’arrêt, et sans accès à un avocat. Il s’agit d’une véritable carte blanche pour kidnapper sans le moindre contrôle judiciaire, sans même que l’armée ait à informer les proches de la victime.

Si on ajoute à cela qu’aucune loi israélienne ne condamne formellement la torture [2], on comprend mieux pourquoi le Shin Bet (services secrets israéliens) explique au New York Times que tous les interrogatoires sont « menés conformément à la loi ».

Bases militaires, ou camps de concentration ?

Depuis plusieurs mois, un véritable système concentrationnaire est mis en place, dans ce cadre juridique. Des témoignages terrifiants nous parviennent des camps de Sde Teiman, dans le désert du Neguev, d’Ofer et d’Anatot. Il s’agit de bases militaires transformées en ce qu’il faut bien appeler des camps de concentration. Sde Teiman semble être le plus important de ces trois centres [3].

La comparaison des images satellites de septembre 2023 et mars 2024 réalisée par CNN montre que « plus de 100 nouvelles structures, parmi lesquelles des grandes tentes et des hangars » ont été construites en quelques mois, agrandissant largement les infrastructures du camp [4].

Les témoignages dont nous disposons sur ces camps sont effrayants. Les personnes emprisonnées doivent rester menottées pendant des jours, jusqu’à provoquer des blessures graves aux poignets, aux bras et aux jambes. Un ancien médecin du camp explique que les amputations du fait de ces blessures relèvent de la « routine ».

Souvent laissées à moitié nues, elles portent seulement des couches et il leur est interdit d’aller aux toilettes. Ils et elles ont obligation de garder les yeux bandés, ont interdiction de bouger ou de parler. À la moindre désobéissance, les soldats les frappent pendant des heures, jusqu’à provoquer des fractures des os et des côtes, ou les forcent à se tenir pendant des heures les mains au-dessus de la tête en les attachant aux barrières.

La nuit, ces personnes sont menottées à leur lit, pendant que, sous prétexte de fouille, les soldats lâchent des chiens sur les détenu·es. Dans l’ancien hôpital militaire en annexe de la base de Sde Teiman, des détenu·es, quasi-nu·es et menotté·es à leur lit, sont laissé·es à la merci de jeunes internes en médecine à qui l’armée ordonne de mener des opérations pour lesquelles ils et elles ne sont pas formé·es.

Torture et viols de masse

L’enquête du New York Times décrit une véritable institutionnalisation du viol et de la torture dans le cadre des interrogatoires. Les personnes emprisonnées, toujours les yeux bandés et vêtues seulement d’une couche, sont d’abord maintenues dans des pièces où est jouée une musique extrêmement forte, au point de provoquer de saignements dans les oreilles, pour les empêcher de dormir.

De plus, les témoignages recueillis par le New York Times décrivent de multiples méthodes de torture, parmi lesquelles l’emploi de chaises électriques, et le viol au moyen d’une barre de métal, peut-être chargé électriquement [5] sur laquelle les soldats assoient de force les détenu·es.

L’emploi de la violence sexuelle par l’armée israélienne dans le cadre d’arrestations ou d’interrogatoires est fréquent : les fouilles à nu, souvent devant les familles, sont fréquemment un prétexte pour des agressions sexuelles et des viols [6].

Selon le New York Times, 4 000 personnes aurait connu l’enfer de Sde Teiman depuis octobre, et 35 morts seraient confirmées. Ce chiffre est probablement bien en-deçà de la réalité, dans la mesure où l’occupation refuse systématiquement de rendre les corps de celles et ceux qu’elle assassine.

Le démantèlement du système carcéral israélien, de ses camps de concentration, de sa détention administrative, de son armée de tortionnaires, doit être au centre de nos préoccupations pour la décolonisation de la Palestine.

Commission relations internationales

Exergue 1 : En juillet, 3 600 personnes en détention administrative Exergue 2 : Plus de 100 nouvelles structures ont été construites Exergue 2 : Plus de 100 nouvelles structures ont été construites

[1] Par exemple, une « lettre ouverte aux organisations qui convergent au sein d’Urgence Palestine », parue le 20 février dernier sur Mediapart, reproche à Urgence Palestine d’écrire que ne pas « faire mention des prisonniers palestiniens, hommes, femmes et enfants emprisonnés dans les geôles israéliennes, c’est se faire le porte-voix de du gouvernement israélien et de son armée », renvoyant à cette phrase comme une preuve de l’indifférence d’UP envers les otages israéliens.

[2] Israël est signataire d’une convention de l’ONU sur le sujet, mais s’est bien gardée de la traduire dans ses lois – et pour cause. Voir l’article de Janan Abdu, « The writing was on the wall for Israel’s torture of prisoners », 972 mag.com.

[3] Les informations que nous avons étant extrêmement partielles, la prudence est cependant de mise : il est possible que les témoignages dont nous disposons à ce jour ne soient qu’une petite partie de la réalité.

[4] La plus grande partie des informations sur Sde Teiman publiées dans cet article proviennent de deux sources : « Sde Teiman : « Israeli whistleblowers detail abuse of Palestinians in shadowy detention center » CNN et, « Inside Sde Teiman, the Base Where Israel Detains Gazans. » New York Times.

[5] Un des témoignages évoque un « bâton électrique » (« electric stick »).

[6] Voir l’article de Yumna Patel : « New reports confirm months of Israeli torture, abuse, and sexual violence against Palestinian prisoners », Mondoweiss

 

Le parcours parlementaire de la loi d’orientation agricole (LOA), votée en première lecture au Sénat, a été interrompu du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale. Présentée comme permettant de s’adapter au changement climatique elle est en fait le signe de la prégnance et de du poids des lobbys industriels au détriment d’une agriculture paysanne et respectueuse des sols comme des personnes.

La loi d’orientation agricole 2024 avait été adoptée en première lecture le 28 mai à l’assemblée et devait être étudiée par le Sénat courant juin, sans grande crainte alors de rejet par celui-ci, majoritairement à droite.

Pour rappel, la LOA (Loi d’orientation agricole), annoncée en 2022, était présentée pour solutionner le renouvellement de la profession agricole[[D’ici 2035, un tiers des agriculteurs et agricultrices partiront à la retraite.] ainsi que pour accompagner les pratiques agronomiques à mieux s’adapter au changement climatique.

La loi initialement prévue pour être présentée en Conseil des ministres en janvier 2024, moment où a commencé une crise agricole historique, qui oblige le gouvernement à la repousser.

Finalement présentée en avril, elle a été entre temps amendée par une bonne partie des revendications portées par la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, syndicat majoritaire) et les JA (Jeunes agriculteurs) pendant le mouvement.

C’est à dire une agriculture toujours plus industrielle et ultralibérale : assouplissement de la gestion des haies, accélération des procédures concernant les projets de retenues d’eau. Les mesures pour favoriser le triptyque robotique-génétique-numérique ont été approuvé, quand en parallèle les objectifs chiffrés sur le développement des surfaces cultivées en agriculture biologique étaient supprimés du code rural.

La victoire du triptyque « robotique-génétique-numérique »

Pour la Confédération paysanne, la priorité est l’installation de paysannes et paysans nombreux qui arrivent à vivre dignement de leur métier sur tout les territoires. Une loi portant une réelle ambition pour un avenir agricole écologique et social aurait du garantir une sécurisation des moyens de production de base : les terres, l’eau, les semences.

Un revenu décent et équitablement répartie entre les acteurs de la profession est aussi une revendication centrale de la Conf’. De même que l’amélioration de la protection sociale alignée sur les autres catégories socio-professionnelles (retraite décente, droit au repos et au remplacement, etc.) seraient des avancées essentielles qui ne sont même pas évoqués dans la loi !

Malgré tout, on notera quelques petites victoires : l’objectif de maintien d’au moins 400 000 exploitations et 500 000 chefs d’exploitation a été conservé (quand la Conf’ revendique l’installation de 1 million de paysans et paysannes !).

Les moyens d’action des SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, censé réguler le marché du foncier agricole) ont été renforcés et le projet de création de GFA-Investissement (Groupe foncier agricole) a été abandonné. Celui-ci ouvrait grand la porte à l’arrivée de capitaux financiers dans la détention sociétaire de terres agricoles.

Une loi spécifiquement sur la question foncière est d’ailleurs dans les cartons du gouvernement. Il faudra encore une fois lutter sur tout les fronts pour défendre une vision paysanne et entraîner le plus grand nombre de personnes dans la lutte car la question des terres agricoles concerne tout le monde.

Même si le combat législatif porté par les organisations professionnelles agricoles progressistes est fastidieux il reste nécessaire. Nul doute que les mobilisations locales et nationales, alliant paysans et paysannes et classes populaires seront les vrais vecteurs du changement de modèle, pour tendre à une agriculture paysanne durable, locale et enfin accessible à toutes et tous.

Vincent (paysan libertaire)

 

Pour la deuxième année en Italie, nous avons célébré la Fête de la Libération sous un gouvernement d’extrême droite.

Dans toutes les villes se sont déroulées des manifestations de masse convoquées par l’Associazione Nazionale Partigiani d’Italia avec la participation de syndicats, associations et organisations politiques de la gauche. Cette année, le fait d’être nombreuses et nombreux à remplir les places a eu encore plus de signification car la cheffe du gouvernement Meloni continue à refuser de reconnaître la valeur de l’antifascisme dans l’histoire de l’Italie et se révèle chaque jour plus populiste, en invitant les électeurs et électrices à écrire sur le bulletin des élections européennes simplement son prénom, « Giorgia », en se déclarant une femme et une amie du peuple.

Cent mille antifascistes, de Rome à Milan, ont envahi les rues pour rappeler la lutte partisane contre les nazi-fascistes et pour rappeler à toutes et tous qu’aujourd’hui il est nécessaire de construire la Résistance contre la droite et contre la destruction des droits sociaux et de l’environnement.

Des milliers de drapeaux palestiniens ont flotté en solidarité avec le peuple palestinien, victime de génocide de la part de l’État colonialiste et criminel d’Israël. À Rome, d’autres cortèges et initiatives antifascistes ont eu lieu dans les banlieues pour porter la résistance là où les dommages sociaux créés par le gouvernement de Meloni, et auparavant par ceux de centre-gauche, sont les plus graves.

La manifestation principale s’est conclue à Porta San Paolo, lieu de la bataille du peuple de Rome contre les nazis le 10 septembre 1943, avec le discours d’un camarade partisan, de 97 ans, qui a dit qu’aujourd’hui encore, il serait prêt à reprendre les armes contre les fascistes.

Les camarades d’Alternativa libertaria ont porté dans les rues leur mot d’ordre révolutionnaire «  Vive la Résistance contre le capitalisme  », en faisant appel à l’action politique, sociale et syndicale des travailleurs et travailleuses contre le fascisme, l’exploitation des personnes et de l’environnement par la bourgeoisie. La Résistance au fascisme ne doit pas se manifester par une célébration institutionnelle complètement séparée des résistances actuelles. En mémoire du 25 Avril, nous voulons rappeler la résistance du peuple palestinien et kurde, celle contre les bases militaires et l’expansion du militarisme dans la société, contre la production et le commerce des armes, contre toutes les guerres impérialistes.

Nous voulons rappeler la résistance des jeunes qui protestent et qui sont matraqués par la police, celle des femmes en lutte pour la défense de leurs droits dans une société toujours plus machiste et patriarcale, celle des travailleurs et travailleuses qui luttent contre les licenciements, pour un salaire décent, pour la sécurité sur le lieu de travail et pour une meilleure qualité de vie.

Mais nous ne voulons pas non plus oublier la Résistance directement liée à cette date, à ceux qui ont lutté et ont payé de leur vie pour s’opposer au nazifascisme aujourd’hui ressuscité, parce qu’il est important de conserver et de transmettre la mémoire.

Contre toute frontière, parce que « notre patrie est le monde entier », pour une nature et une humanité libérées de l’exploitation capitaliste sous toutes ses formes, contre le racisme et la répression, contre toute oppression politique et d’État.

En toute circonstance, vive la Résistance au capitalisme !

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