Le football est un champ de la résistance autant symbolique que matériel pour le peuple palestinien, ciment de son unité malgré son éclatement. À ce titre il est attaqué régulièrement par l’état sioniste, en Palestine comme à l’international.
Toute aspiration nationale palestinienne est combattue depuis la création d’Israël : la Palestine n’existe pas ! Dès lors hors de question de voir ses couleurs représentées dans les stades de foot. Pour cela Israël harcèle les équipes locales : le 10 novembre 2012 au cours de l’offensive « pilier de défense », le stade de Gaza est sciemment bombardé et 4 jeunes footballeurs âgés de 6 à 18 ans sont tués. Le 1er janvier 2014 des soldats ouvrent le feu sans sommation sur deux nouvelles recrues de l’équipe nationale palestinienne… de 19 et 17 ans. Ayant reçu des balles dans les pieds, les deux jeunes espoirs ne pourront plus jamais jouer au foot. Les blocus, check-points et barrages empêchent les sportifs de se retrouver pour jouer ensemble, les interdictions de se rendre à l’étranger sont récurrentes, des rencontres sont régulièrement annulées.
L’équipe nationale palestinienne est composée de joueurs cisjordaniens, gazaouis, palestiniens de 48 ou issus de la diaspora. Cet éclatement géographique entraîne de nombreux déplacements et incertitudes comme le confirme l’entraîneur Jamal Mahmoud « je ne sais jamais de quel joueur je vais pouvoir disposer [...] en général je compose trois équipes possibles et à la fin on voit qui on peut emmener » [1].
Des origines multiculturelles
La première fédération palestinienne de football est créée par un immigré juif biélorusse en 1928. Elle regroupe des clubs juifs comme arabes, mais dès les années 1930 les dirigeants juifs sont majoritaires au sein conseil d’administration, à partir de 1934 les clubs arabes n’ont plus leur mot à dire. Pour les coupes du monde de 1934 et de 1938 aucun joueur arabe ne fait partie de la sélection. Les Arabes créent alors leurs propres structures mais elles sont démantelées durant la Grande révolte arabe palestinienne de 1936-1939.
Après 1948 l’État d’Israël va faire mainmise sur les clubs de football des villages arabes d’Israël afin de les contrôler. Rapidement des tensions apparaissent, en 1964 un match entre deux équipes de villages juifs et arabes se termine en affrontements entre joueurs et supporters, le lendemain des centaines d’ouvriers arabes se mettent en grève. Deux mois plus tard l’Hapoël Bnei Nazareth, première formation arabe remarquée au sein du championnat israélien, célèbre son ascension en deuxième division en écrasant 8-0 l’équipe juive de Kiryat Shmona. En réaction Israël dissout la même année un réseau d’équipe de football qui tentent de former un embryon de championnat arabe entre plusieurs villes.
Mais nombre de joueurs arabes israéliens, excédés par le racisme des ligues israéliennes, sont attirés par les clubs nouvellement créés de Cisjordanie.
Carton rouge au racisme israélien
La fondation d’une ligue palestinienne est actée après les accords d’Oslo. La fédération palestinienne de foot est intégrée à la FIFA en 1998, devenant la première organisation internationale à reconnaître la Palestine comme état indépendant. Le 26 octobre 2006 se tient un match entre « les lions de Canaan » (nom de la première équipe arabe fondée en 1947) et l’équipe jordanienne. La rencontre se solde par un match nul, mais peu importe le résultat, l’important est ailleurs comme le dit le footballeur Murad Ismail Said : « une équipe qui vient jouer sur nos terres c’est une façon de reconnaître l’état palestinien » [2]. Trois jours plus tard ce sera au tour de l’équipe féminine palestinienne de se confronter à son premier match international à domicile toujours face à la Jordanie.
En termes de solidarité internationale, le football est également un espace de combat avec le boycott sportif mené par la campagne BDS. Concernant le foot, sera créé la campagne « carton rouge au racisme israélien » [3] rappelant que la Fifa avait suspendu l’Afrique du sud pendant 30 ans. En 2016 la fédération palestinienne appuyée par une soixantaine de député·es européen·nes proteste auprès de l’instance contre 6 clubs de football installés dans les colonies. La FIFA se mue alors en arène politique pour la cause palestinienne. Le football est aussi un terrain d’inventivité de la résistance symbolique de la population. En 2010, les gazaoui·es lancent leur propre coupe du monde, la Gaza world cup avec pour mot d’ordre : « si tu ne peux pas aller en Afrique du sud, le mondial viendra à toi » [5]. Durant deux semaines, seize équipes de la bande de Gaza dont 14 clubs professionnels se rebaptiseront de plusieurs noms de pays. « Nous voulons attirer l’attention du monde sur notre isolement et montrer qu’il y a une vie ici » affirme alors Tamer Qarmout, l’un des organisateurs de cet événement [6]. La finale opposera la « France » à la « Jordanie » dans le stade Yarmouk de Gaza, retransmis sur Al Jazeera, les vainqueurs recevrons un trophée réalisé par des artisans locaux à partir du métal retrouvé sur les bombardements israéliens. Pour conclure avec Mahmoud Darwich, « nous serons un peuple lorsque le palestinien ne se souviendra de son drapeau que sur les stades » [7].
La FIFA reconnaît la Palestine
Le 23 juillet 2009, Mahmoud Sarsak, footballeur palestinien du camp de réfugié·es de Balata, est arrêté alors qu’il se rendait à son nouveau club, il est incarcéré 3 ans sans jugements ni inculpation. Il fait une grève de la faim de 92 jours pour être libéré mais sa carrière est brisée en raison des séquelles de l’internement et des tortures. Une pétition est alors lancée et signée entre autre par Eric Cantona qui, dans une lettre, enjoindra à Michel Platini, alors président de l’UEFA à se positionner « il est temps de mettre fin à l’immunité d’Israël et d’insister sur les mêmes critères d’égalité et de respect de la législation internationale que nous exigeons des États » [4]. L’ex-buteur de Manchester United s’opposera également à la tenue de la coupe européenne de football des moins de 21 ans en Israël en 2013. En 2010, Michel Platini menacera bien Israël de ne plus faire partie de l’UEFA pour toutes ses exactions, mais de la parole aux actes...
Nicolas Pasadena (UCL Montreuil)
PAS DE GÉNOCIDAIRE AUX JEUX OLYMPIQUES !
Israël se sert du sport pour se promouvoir et se blanchir, avec notamment sa participation régulière ces dernières années au Tour de France sous la marque « Israël startup nation » (alors qu’Israël ne possède aucune fédération nationale de cyclisme !). La campagne BDS France a ainsi régulièrement ciblé le tour de France ces dernières années pour dénoncer cette participation. Alors que la grande « fête » des Jeux olympiques se déroulera pendant qu’on continue à mourir à Gaza, la campagne BDS espère bien s’inviter et perturber quelque peu les réjouissances en dénonçant la participation des équipes israéliennes, réclamant que l’état colonial endosse la même sanction que la Russie, exclue des Jeux olympiques pour son invasion de l’Ukraine.
[1] Mickaël Correia, Une histoire populaire du football, La Découverte, 2018. [2] Idem. [3] « On peut pas s’en foot », brochure BDS, 2014. [4] Idem. [5] Mickaël Correia, op. cit. [6] Idem. [7] Mahmoud DARWICH, La Trace du papillon – Pages d’un journal (été 2006-été 2007), Actes Sud, Arles, 2009.